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 Interview : Joyce Aïn
TRANSMISSIONS
à propos de l'ouvrage "Transmissions, liens et filiations, secrets et répétitions..." qu'elle a dirigé et publié en Octobre 2003 aux Editions érès

Tout semble devenu mouvant. Ce qui était solide hier se dérobe aujourd'hui, au point que l'on n'ose plus envisager demain. Tout est devenu sujet d'interrogation voire de menace et rien ne semble définitivement acquis. Nous avons le sentiment de vivre au milieu d'un vaste chantier en perpétuel changement: le système éducatif, les institutions, la religion, la morale... tout est bousculé, remis en cause. Du coup, la question nous habite, lancinante: Que transmettre ? Comment transmettre ?

En effet, chacun vit sa propre histoire comme originale, marquée du sceau de l'individuel et du singulier. Nous nous pensons unique bien que la question de l'origine reste essentielle. Si l'origine est ce qui nous échappe, le sujet est cependant rappelé dans son lien à l'autre, en termes d'héritage et de filiation, du coté du biologique, du social et du culturel.

La famille est particulièrement concernée par la transmission entre générations et les rapports de filiation illustrent l'inscription singulière d'un sujet, de la conception à la mort, introduisant la problématique du rapport entre l'individu et le groupe. En quoi les aléas et vicissitudes que chacun de ses membres peuvent connaître sont-ils à même de modifier en profondeur la nature des liens qui s'y tissent, remanier les attentes conjugales ou parentales, peser sur les affiliations et donner lieu à transmission, héritage ou répétition pour les générations suivantes ? En dehors du cercle familial, la transmission des compétences et du savoir, impose de se demander quelle est la véritable part de l'éducation et des enseignants dans cet acte et quelle est la responsabilité du système en cas d'échec de cette transmission.

SURVIVANCES

à propos de l'ouvrage "SURVIVANCES, de la destructivité à la créativité..." qu'elle a dirigé et publié en Juin 1999 aux Editions érès

CANAL PSY:
Comment est né cet ouvrage ?

Joyce AÏN:
Nous avons souhaité mettre en présence des représentants de diverses disciplines autour du thème difficile de la survie psychique sous l'angle ouvert des survivances. Car nous ne savons quels seront dans le monde, demain, les valeurs, les échanges, les solutions, les nouveaux choix de société ? Le malaise ouvrira t-il la voie à de nouveaux créateurs, à des interprètes susceptibles d'indiquer de nouveaux chemins, de donner du sens à l'aléatoire et au malheur ? Ce sont les questions qui ont axé notre réflexion....

CANAL PSY:
Quels sont les rapports fondamentaux de ce travail, en ce qui concerne la compréhension de la création que du malaise dans la civilisation ? Le créateur peut-il donner direction à l'aléatoire et sens à l'arbitraire et au malheur ?

Joyce AÏN:
Cet ouvrage souhaite montrer que si le propre de l'être humain est de se souvenir et d'élaborer le passé, il est aussi d'anticiper en puisant dans ses richesses intérieures. Or nous sommes aujourd'hui confrontés à cette contradiction terrifiante que notre civilisation occidentale, mondialisée, donne précisément corps à la mégalomanie infantile individuelle. Cependant, en l'homme tout est ouvert, rien n'est écrit d'avance. Autrement dit, l'avenir menaçant n'est en rien une fatalité si, puisant dans nos forces intérieures endeuillées, nous pouvons retrouver la vie psychique, préserver l'objet interne dans l'élan vital de la création et collectivement résister à ceux qui ne servent plus le bien commun de l'humanité et les potentialités issues de la vie.

CANAL PSY:
Comment situez vous votre ouvrage dans le champ des recherches en ce domaine ? Quelles sont ses filiations mais aussi sa portée polémique et critique ?

Joyce AÏN:
Le fil rouge de cet ouvrage est donc la survie psychique en ce qu'elle est la lutte essentielle de l'humain dans son besoin de donner sens à la vie. Comment passe t-on de la survie à la vie ? Pour Aristote, l'être humain est par nature un animal politique contraint de vivre avec les autres dans la polis (cité) où se décide collectivement par la discussio, ce qu'est "le bien".

Car la transmission peut opérer en négatif : ce sont ses points de butée constitués par ce qui est caché, encrypté, par les lacunes laissées en nous par les secrets des autres. Si la transmission peut-être traumatique, l'acte de transmettre entraîne avant tout le don, mais aussi la dette. Il signifie permettre et rendre accessible le processus de symbolisation. Transmissions, communications, secrets, répétitions, filiations et liens transgénérationels sont ainsi étroitement mêlés à travers l'arbre de vie.

Freud unit Eros et Thanatos pour montrer comment le travail de deuil est une des conditions de la vie. Pour Ricour, enfin, l'identité narrative, à partir d'un mixte réalité fiction, consiste en une réorganisation signifiante et fluide des évènements et traumatismes. Mais le sens n'est rien si l'on n'en prend pas conscience et si l'on n'essie pas de penser la force qui le porte. Le sens n'est rien lorsque la vie est en question. Le problème est donc de trouver des terrains grace auxquels on va redécouvrir la vie psychique plutôt que la survie.

CANAL PSY:
Comment voyez vous l'évolution futures de vos recherches ? De nouvelles pistes se sont elles dégagées ? Dans quelle mesure vos analyses pourraient elles éclairer d'autres domaines où se confrontent destructivité et créativité ?

Joyce AÏN:
De plus en plus, les médias répercutent un questionnement général concernant le sens de la vie: depuis le problème de l'euthanasie jusqu'au film "La vita é bella" en passant par l'eugénisme "à la Milosevic". Quelle orientation prend notre société, entre horizons créateurs et mouvements de repli, voire régressifs ? Peut-être abordons nous une ère de plus grande liberté de pensée pour nous dégager de dogmatismes résiduels. Les théorisations devenant moins terroristes, nous, psychanalystes, avons à trouver les terrains grace auxquels la vie l'emportera sur la survie, pour que le passé passe réellement et que l'activité prenne le pas sur la passivation. Nous avons à trouver notre place dans un contexte où le sens n'est pas inscrit en filigrane, trouver des formes de travail qu'il est d'usage d'appeler des "médiations" pour aider à composer une "aire transitionnelle". La question est fondamentalement celle de la vie psychique au plus près de la conservation de la vie réelle. Comment voyez vous l'évolution futures de vos recherches ? De nouvelles pistes se sont elles dégagées ? Dans quelle mesure vos analyses pourraient elles éclairer d'autres domaines où se confrontent destructivité et créativité ?

Joyce AÏN:
De plus en plus, les médias répercutent un questionnement général concernant le sens de la vie: depuis le problème de l'euthanasie jusqu'au film "La vita é bella" en passant par l'eugénisme "à la Milosevic". Quelle orientation prend notre société, entre horizons créateurs et mouvements de repli, voire régressifs ? Peut-être abordons nous une ère de plus grande liberté de pensée pour nous dégager de dogmatismes résiduels. Les théorisations devenant moins terroristes, nous, psychanalystes, avons à trouver les terrains grace auxquels la vie l'emportera sur la survie, pour que le passé passe réellement et que l'activité prenne le pas sur la passivation. Nous avons à trouver notre place dans un contexte où le sens n'est pas inscrit en filigrane, trouver des formes de travail qu'il est d'usage d'appeler des "médiations" pour aider à composer une "aire transitionnelle". La question est fondamentalement celle de la vie psychique au plus près de la conservation de la vie réelle.


 
 
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