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 Notre forum : Controverse autour du "livre noir" 
Controverse autour du "Livre noir de la psychanalyse"
 

Réponse "Comment faire de la pensée une maladie ?" de Gérard Bayle  Président de la SPP

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Oui, il y a un marché de la souffrance psychique. Oui, il y a là de l’argent à gagner. Pour l’exploiter au mieux il faut l’étendre. Cette extension, fruit d’un marketing soutenu, s’appuie sur diverses interventions faites au nom de « La Science ». Elles cachent des manipulations destinées à faire énormément d’argent, comme on le voit avec la consommation de psychotropes en France. Les deux dernières de ces interventions sont le Livre noir de la psychanalyse, et le tout récent rapport de l’INSERM sur le dépistage des « troubles des conduites » chez l’enfant et l’adolescent. Tous deux font chaud au cœur de certains tenants des soi-disant thérapies comportementales et cognitivistes (TCC) et aux laboratoires pharmaceutiques, les premiers faisant le jeu des seconds. 

Développons cela.

Depuis vingt ans, s’opère un tour de passe-passe qui tend à substituer du prêt-à-porter psychiatrique aux démarches psychodynamiques, dont celles de la psychanalyse.
Ainsi voit-on peu à peu se réduire les approches psychopathologiques fines et nuancées de la psychiatrie, en particulier française, au profit d’un catalogue de symptômes, le fameux et quasi universel DSM IV grâce auquel chaque comportement humain un peu surprenant ou douloureux se voit assigner la valeur d’un trouble. L’usage de cet ouvrage, destiné à l’établissement de statistiques, a été perverti et d’aucuns en ont fait une bible dispensant d’un savoir nosographique et d’une vraie pensée sur la souffrance psychique, au cas par cas. D’où vient qu’un tel détournement ait pu séduire tant d’intervenants en santé mentale ?

D’où vient que tant d’organismes se soient appuyés sur lui pour produire, très officiellement, des rapports qui vont tous dans le même sens ? 

A partir de l’association de quelques items du DSM IV ils préconisent une TCC, des psychotropes. C’est ce que fait le dernier rapport de l’INSERM, infiniment plus perfide que le grossier Livre noir. Il introduit les « Troubles oppositionnels avec provocation : les TOP ». Ainsi élargit-on le marché de la santé mentale en transformant une manifestation habituelle en trouble pathologique avec les retombées thérapeutiques susdites. Les psychanalystes savent depuis Freud et Winnicott combien ces comportements sont nécessaires aux acquisitions du statut de sujet et à la pensée. Donc ils gênent.

Cette offensive est mondiale. Elle a des résultats tant il est tentant de s’appuyer sur un catalogue de signes et sur des thérapies stéréotypées, normalisées. Si cette parodie s’appuie sur une résistance à la perception de l’intime des souffrances psychiques, ou sur une paresse, voire un automatisme, il faut pourtant aller plus loin et continuer à s’interroger : d’où peut venir l’inspiration, le souffle et le mouvement qui soutiennent financièrement et psychologiquement un tel désastre ? Qui en tire massivement avantage ?

Prenons la « petite histoire » actuelle. Le Livre noir de la psychanalyse rapportera quelque argent à ses instigateurs. Là n’est pas l’important. Montons d’un cran. 

Plus il y aura d’acteurs dans le monde de la santé mentale, plus le marché de celle-ci s’ouvrira. La création du statut de psychothérapeute, adossé au DSM IV, crée un élargissement du marché de la santé mentale : plus d’intervenants, plus de soi-disant « troubles » à soigner, plus d’échecs de celles-ci – car s’agit de manifestations humaines fort résistantes – d’où plus de prescriptions de psychotropes (on a vu cela en URSS pour d’autres raisons). Le marché ira grossissant avec le nombre des psychothérapeutes unis en groupes de pression de plus en plus puissants. Il leur faudra démontrer qu’ils sont bons, voire les meilleurs. Quoi de plus tentant alors que de se comparer avantageusement et fallacieusement aux psychanalystes ? C’est ce qui se passe pour l’heure en France.

L’ouverture de l’éventail de la pathologie mentale assure celle du marché des médicaments psychotropes. Ce n’était probablement le but premier des rédacteurs du DSM pas plus que celui des zélotes des TCC mais, souvent à l’insu, ils se constituent en fourriers de l’industrie pharmaceutique. Pour vendre, il faut ranger l’action, la pensée, l’émotion, l’affect, dans le Grand Livre de la Pathologie Mentale. Les attaques contre la psychanalyse ne sont qu’une escarmouche dans une stratégie universelle de déconsidération de la pensée et de passage du statut de sujet à celui de consommateur.

Gérard Bayle
Président de la Société Psychanalytique de Paris

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