A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

Hélène BRUNSCHWIG

Interview de Hélène BRUNSCHWIG
:"Mon métier de Psy"
par Hélène BRUNSCHWIG

Exercer la psychanalyse, ou la psychothérapie psychanalytique, est-ce un métier?
Question difficile, le plus souvent exercer un métier, une profession, c'est avoir une activité nettement séparée de sa vie privée, de ses sentiments personnels, de sa vie intérieure. Bien qu'il faille nuancer davantage avec certains métiers où l'engagement personnel est important : acteurs, écrivains, métiers de relation comme médecins, assistantes sociales, professeurs, etc.... Mais ce métier de psy, justement, on ne peut l'exercer qu'en mettant sa vie personnelle constamment à contribution pour comprendre ce que le patient ressent. C'est la matière même de notre travail.

 

Pourquoi? La psychanalyse, qui est à la fois une technique particulière de psychothérapie et une réflexion sur la structure de l'esprit humain, a été découverte par Freud il y a un siècle, au cours de nombreux tâtonnements avec ses patients. Elle a été mise au point lentement à la suite  de découvertes cliniques,  d'erreurs, de théorisations successives, de remises en question. Les découvertes principales qui nous servent encore sont : l'existence d'un inconscient actif en nous, la puissance de la parole comme élément thérapeutique, l'importance du rappel des souvenirs, les "résistances" à parler, et l'existence du "transfert" et du "contre-transfert". Ces deux noms barbares ont été donnés par Freud aux deux faces d'un des phénomènes les plus déroutants qu'il ait découverts avant qu'il n'en comprenne sa signification au cours de son travail. C'est  en réalité un des principaux outils du psychanalyste:  le psy, au cours des séances de psychothérapie, devient le support de projections inconscientes de son patient. (Le mot projection inconsciente recouvre le fait d'attribuer à un autre, sans le savoir, les pensées qu'on a éprouvées soi-même). Par exemple si le patient devient jaloux des autres clients de son analyste, il reproduit inconsciemment une situation déjà vécue par lui dans son enfance, lorsqu'il était jaloux d'un frère ou d'une soeur. Il ressentait de la rancune contre son père et sa mère qui "aimait mieux" l'autre... Il "transfère" sur son analyste des sentiments déjà éprouvés, il lui en veut comme il en voulait à ses parents sans se rendre compte d'où lui vient ce sentiment. Il attribue à son analyste l'injustice qu'il a attribuée à ses parents. Selon la règle "de dire tout ce qui vous passe en tête" énoncée au début du traitement (règle d'ailleurs terriblement difficile à suivre) il va faire part de ce qu'il ressent à son analyste qui va pouvoir travailler cette souffrance avec lui. Il va l'aider à reconnaître cette jalousie qui le fait souffrir et qui a réapparu grâce à la situation analytique.. Mais à l'inverse le psy peut être lui aussi remué par ce que dit son patient, et s'il n'y prend pas garde, il peut retrouver des impressions anciennes et réagir à celles-ci et non pas à ce que son patient lui dit. C'est pour cela que pour devenir psychanalyste, c'est une obligation absolue d'avoir suivi une psychanalyse, pour être capable de repérer  ses propres mouvements "transférentiels", (ou "contre-transfert") sinon vous allez projeter inconsciemment vos propres problèmes sur le dos de votre patient. Mais il y a plus que cela : le contre-transfert ressenti par l'analyste, qui met en branle ses propres sentiments, le renseigne non seulement sur lui-même, mais aussi sur son patient. Searles, un psychanalyste américain, a même écrit "le contre-transfert" est le "symptôme" du patient". Il vous renseigne sur le problème du patient : ce que vous fait éprouver votre patient, il doit le faire éprouver aussi à d'autres et c'est l'occasion rêvée de comprendre pourquoi. La relation analysant-analyste est comme une sorte de relation artificielle, bien que très réelle, qu'on peut se permettre d'analyser, de comprendre sans vexer personne, c'est un peu comme un laboratoire vivant. Vous voyez  que dans ce métier nous engageons nos "tripes" pour ainsi dire. Le matériau que nous travaillons est un matériau vivant, celui du patient et celui du psy. Nous travaillons sur la "résonance" entre deux êtres humains, comme dirait Mony Elkaïm , thérapeute familial à Bruxelles.

Un exemple : une patiente vient me voir pour un mal-être profond, dit-elle. Je ne sais pourquoi, plus elle parle, plus elle m'énerve, ce qui ne manque pas de me surprendre. Que faire? Je ne peux bien entendu le lui dire! Pourtant cet énervement inexpliqué a un sens, c'est certain. Je finis par dire :"Vous savez, pendant que vous parlez, je sens comme une sorte de colère en moi que je ne m'explique pas." - "Ah! vous aussi, c'est mon premier problème, j'énerve tout le monde et je ne sais pas pourquoi!" Grâce au fait que j'ai pu dire  ce que j'ai ressenti, cette femme a pu travailler sur ce problème sans crainte de me mettre vraiment en colère et a pu comprendre ce qui se passait en elle.

Etre psy  c'est écouter, trouver du sens à ce qui est dit, ressenti, ou parfois caché lorsque la personne a de fortes résistances à parler.

Les techniques peuvent être différentes, la psychanalyse classique se pratique entre le patient, qui est étendu sur le divan, et son analyste assis derrière. Ceci leur permet de parler plus librement, de pouvoir se taire, de ne pas être obligés de composer leur visage etc... Les séances ont lieu plusieurs fois par semaines, cela prend du temps et de l'argent (bien qu'il existe des psychanalyses gratuites en dispensaire). Les indications sont précises et limitées. En revanche la psychothérapie analytique se pratique plus facilement, dure moins longtemps, se passe  en face à face, en général une fois par semaine, mais parfois moins fréquemment. Elle peut se faire à deux, en couple, en famille ou même en groupe. Mais les concepts psychanalytiques sont les mêmes. Le phénomène de "résonance" est le même, le pouvoir de la parole est le même, les souvenirs inconscients ont la même importance, l'implication du thérapeute est la même.

Donc vous voyez, c'est un drôle de métier! Mais c'est un métier si passionnant que ça vaut la peine de s'y préparer pendant des années et de l'exercer le plus longtemps possible. 



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